Les étapes du contrôle : du cep au verre
1. La déclaration d’intention : le point de départ administratif
Chaque année, chaque vigneron désireux de produire sous AOP doit déclarer ses parcelles et son intention de bénéficier de l’appellation. Cela permet de tracer le parcours du raisin jusqu’à la bouteille, et d’effectuer les recoupements nécessaires lors des inspections.
2. Les contrôles sur le terrain (avant la vendange)
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Inspections de parcelles : Agents certifiés (organismes agréés par l’INAO, comme Certipaq ou Qualisud) effectuent des visites inopinées. Ils vérifient localisation, cépages, densité, mode de taille, état sanitaire... Un écart peut entraîner l’exclusion d’une partie (ou de la totalité) de la récolte du circuit AOP.
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Vérification des rendements : On compare les déclarations aux états réels et à la récolte. En cas de surproduction, la portion excédentaire sort du « circuit d’appellation » (généralement en IGP ou Vin de France).
Par exemple, selon le rapport de l’INAO (2021), pour les vins d’appellation du Roussillon, près de 4 % des surfaces sont chaque année écartées de l’AOP suite à ces contrôles, en raison de non-conformités sur le cépage ou le rendement.
3. Les contrôles en cave
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Suivi des vinifications : Les registres de cave et la traçabilité du raisin (date d’encuvage, volumes, lots) sont vérifiés. Tout lot douteux peut se voir refuser l’agrément.
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Analyses physico-chimiques : Un échantillon de chaque cuvée est prélevé puis analysé par un laboratoire agréé : degré alcoolique, acidité, sucres résiduels… Plus de 250 000 analyses sont réalisées chaque année en France pour le contrôle des vins sous signes de qualité (source : Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes).
4. Le panel décisif : la dégustation d’agrément
C’est l’étape la plus attendue, la plus redoutée. La dégustation se fait à l’aveugle devant une commission indépendante, composée de vignerons, œnologues, techniciens et dégustateurs avertis issus du bassin de production. La règle ? Anonymat des échantillons, impartialité, grille de critères stricte.
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Qu'est-ce qui est évalué ?
- Aspect visuel (limpidité, couleur attendue selon le type et l’âge du vin),
- Qualité olfactive (typicité aromatique, absence de défauts),
- Équilibre gustatif (structure, expression, longueur, respect du style de l’AOP).
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Statistique : en AOP Roussillon, 6 à 8 % des lots sont refusés chaque année à l’agrément, principalement pour défauts organoleptiques, manque de typicité ou irrégularités sur l’étiquette (source : Syndicat du Cru des Côtes du Roussillon).
Une anecdote célèbre illustre la rigueur de ces commissions : en 2010, un lot pressenti comme tête de cuvée d’un domaine réputé s’est vu recalé à la dégustation pour un léger “goût de réduction” persistant. Résultat : rétrogradation en Vin de France. Preuve, s’il le fallait, que l’agrément est bien plus qu’une formalité.